Le corps se fond avec lâaube du drap, le drap devient peauâŠ
« Le corps chez Nagham Hodaifa sera dessinĂ© ou peint dans une dĂ©clinaison plurielle de corps entier ou fragmentĂ©, morcelĂ©, figĂ©, ou en mouvement jusquâĂ la danse, nu ou voilĂ©. Les Ă©chelles sont variables, parfois miniature parfois gigantesque, et câest la couleur qui domine avant mĂȘme la ligne , les verts, les bleus y sont lumineux, aquarellĂ©s ou encrĂ©s et les ocres sont terreux, parfois soulignĂ©s par lâutilisation du brou de noix sur papier ou par dâautres techniques mixtes. Mais surtout le corps devient le paysage, devient la substance premiĂšre, occupant lâespace entier de la toile et lâartiste composera des paysages de corps qui se montrent souvent en sĂ©rie. Parfois une ligne dâhorizon ou quelques arbres viennent seconder le corps-paysage. […] Ce sont des corps sans tĂȘte, sans visage oĂč le visage est soustrait ou Ă©loignĂ©, cachĂ© ou masquĂ©, tandis que les pieds y sont rapprochĂ©s, traitĂ©s dans un premier plan, semblant mĂȘme parfois sortir de la toile comme dans certaines toiles du Caravage⊠Suspension 1 et Suspension 2 (2015) peuvent Ă©voquer ainsi les jambes et les pieds de La mort de la Vierge peinte en 1606, oĂč la Vierge est reprĂ©sentĂ©e sur son lit de mort, drapĂ©e dâune robe rustique, le ventre gonflĂ©, les jambes dĂ©couvertes et les pieds sales qui dĂ©passent dâun lit trop petit. »
Isabelle Doucet, « Nagham Hodaifa. « La peinture a dessiné ma vie » », in Revue A (Littérature-action), Une nouvelle revue transculturelle de création, de lectures, de regards, vol. 5 mai-sept. 2019, p. 232-233 et sq.