Méditerranée … fin de tout espoir 

Dédié à celles et ceux dont le rêve a pris fin en mer

Au milieu de l’azur et du fond marin magique et mystérieux, il ne reste que des chemises, quelques gants, des drapés… Le corps a disparu, en symbiose avec la mer.

Le projet Méditerranée est né de la contemplation de la mer durant mon séjour niçois l’année dernière. Je n’arrivais pas à oublier la noirceur que cette mer a connue ces dix dernières années. Selon le projet de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) le nombre de décès et disparus dans la Méditerranée dépasse 30 524 depuis 2014. Beaucoup ont péri en mer sans laisser de traces. C’est un hommage que je dédie à tous ceux-là, ainsi qu’à celles et ceux qui ont péri dans la Manche, et en remontant dans le temps, en Atlantique, aux victimes de 1929-1936 (Espagne, États-Unis), de l’exode de 1940 (débâcle) et aux boats-people… À tout homme, toute femme qui a perdu sa vie à cause de son déplacement. La migration remonte dans l’immémorial, elle est intimement liée à l’histoire de l’humanité.

Un immigrant n’a commis aucune faute sinon d’être né en un lieu que les circonstances l’ont obligé à quitter à la recherche d’une vie meilleure. N’importe qui peut être à sa place. Il est nécessaire de regarder en face cette tragédie et qui malheureusement continue. Toute civilisation se mesure à la façon de traiter les morts.

C’est une question de dignité de notre condition humaine, un sens à donner à notre commune présence sur terre par-delà les frontières.


Le projet Méditerranée se compose de deux parties : la première, est une exposition de peinture et dessin des polyptyques de grand format autour de ce thème : quelques tableaux ont été montrés à l’exposition Méditerranée à la Galerie Europia Paris (2022) et à Toutes voiles dedans, Le WindsoR, Jungle Art Hotel, Nice (2020). Dans la seconde, il s’agit d’une installation qui est accomplie en collaboration avec un physicien chercheur, montrée au Festival OVNi. Festival International d’Art Vidéo, Nice (2021) et au Oratoire de la Chapelle Sainte-Jeanne-d’Arc, Paris (2023).

 

Extrait. Installation : logiciel pour simuler des vagues, circuits électroniques, eau, éclairage, Vidéo JavaScript ( 11’40 » min)
œuvre réalisée en collaboration avec I. Alata. Art Tech Original

Quelques uns des œuvres (polyptiques) sur toile, sur bois et sur papier Arches.

[Elle] « souhaitait s’emplir de sa nostalgie de la Méditerranée mais aussi de la réalité de ses drames. et voici que cette Méditerranée lui était interdite. Ne lui restait plus que le bruissement proche des vagues au rythme de son imaginaire. C’est donc là qu’elle élabora cette œuvre subtile tant les effets de transparence sont déjoués par la violence sourde et tragique qu’elle recouvre.

La peinture est ce flot rythmé par le souvenir de la danse, de la gestuelle du corps comme source de l’acte créateur. Pourtant la présence du corps n’apparaît jamais ici dans sa réalité mais seulement par le miroir de son enveloppe immergée qui se décline par fragments. Sur des polyptyques de grand format, des mains, des pieds, des indices de corps réduits à ce qui les recouvrait comme le cri éteint des milliers de disparus au fond de la mer. Les flots se dessinent alors dans le drapé d’un linceul et de ses déchirures. Un bleu superbe s’empare de formes organiques et visqueuses, la mer s’étire dans l’huile de la peinture pour dire le silence des profondeurs, le recueillement qu’il impose.

Maudire la beauté écorchée par les hommes mais la proclamer encore. « Le dire avec des gants » puisque que c’est aussi avec ceux-ci qu’elle travaille. Mais aussi pour murmurer autrement, prudemment, mais sans concession aucune. Ou bien comme quand « on jette le gant » par défi, et qu’on se dévoile dans la peinture, qu’on plonge dans ses fonds mystérieux d’où remonte à la surface comme l’écho d’un champ funèbre.

Pourtant les toiles ou les autres supports de Nagham Hodaifa s’imprègnent de légèreté. Les formes qu’elle convoque sont vivantes, fœtales et semblent en attente dans un océan amniotique dans l’espérance d’une vie future. L’œuvre se déploie, musicale, dans cette lumière incertaine saisie au cœur de l’émotion. »

Michel Gathier, Nostalgie méditerranéenne à l’Hôtel WindsoR (Nagham Hodaifa) par Michel Gathier, 1er juillet 2020. SmArty Magazine.

 


 

https://youtu.be/JlzjfiJm9hI
Entretien mené par Ettijahat – Independent Culture, 2021.

 Le projet Méditerranée… fin de tout espoir a obtenu le soutien d’Ettijahat – Independent Culture & Goethe-Institut